Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/149

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Le fait est qu’elle réunissait toutes les conditions qu’il pouvait souhaiter ; située dans une rue solitaire, elle était d’une intimité pénétrante ; l’architecte qui l’avait construite n’avait rien innové et rien tenté ; il l’avait bâtie dans le style gothique, sans y ajouter aucune fantaisie de son cru.

Elle figurait une croix, mais l’un des bras était à peine étendu, faute de place, tandis que l’autre s’allongeait en une salle, séparée du chœur par une grille de fer, au dessus de laquelle un Saint Sacrement était adoré par deux anges agenouillés dont les ailes lilas se repliaient sur des dos roses. Sauf ces deux statues, d’une exécution vraiment coupable, le reste était au moins éteint dans l’ombre et ne choquait pas par trop la vue. La chapelle était obscure et toujours, aux heures des offices, une jeune sacristine, longue et pâle, un peu voûtée, entrait, telle qu’une ombre, et chaque fois qu’elle passait devant l’autel, elle tombait, un genou par terre, et inclinait profondément la tête.

Elle était étrange, à peine humaine, glissait sur les dalles, sans bruit, le front baissé, le bandeau descendu jusqu’aux sourcils et elle semblait s’envoler comme une grande chauve-souris, alors que, vous tournant le dos, debout devant le tabernacle, elle levait les bras et remuait ses larges manches noires pour allumer les cierges. Durtal avait, un jour, aperçu ses traits maladifs et charmants, ses paupières enfumées, ses yeux d’un bleu las, et deviné un corps fuselé par les prières, sous la robe noire serrée par une ceinture de cuir, ornée d’un petit Saint Sacrement de métal doré, au-dessous de la guimpe, près du cœur.