Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/167

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— Je l′espère, appuyée sur les infinies bontés de mon Sauveur Jésus-Christ.

— Dieu vous donne, ma fille, la persévérance, dit le prélat ; il se leva, fit face à l’autel, s’agenouilla, la tête découverte, et commença le chant du « Veni creator » que continuèrent, derrière la natte ajourée de fer, toutes les voix des nonnes.

Puis il remit sa mitre, pria, tandis que le chant des psaumes surgissait sous les voûtes. La novice, que l’on avait pendant ce temps reconduite à sa place, sur le prie-Dieu, se leva, salua l’autel, vint s’agenouiller, entre ses deux paranymphes, aux pieds de l’abbé de la Trappe qui s’était rassis.

Et ses deux compagnes défirent le voile de la fiancée, ôtèrent la couronne de fleurs d’oranger, déroulèrent les torsades des cheveux, tandis qu’un prêtre étendait une serviette sur les genoux du prélat et que le diacre lui présentait sur un plat de longs ciseaux.

Alors, devant le geste de ce moine s’apprêtant, tel qu’un bourreau, à tondre la condamnée dont l’heure de l’expiation est proche, l’effrayante beauté de l’innocence s’assimilant au crime, se substituant aux conséquences de fautes qu’elle ignorait, qu’elle ne pouvait même comprendre, apparut à ce public venu par curiosité dans la chapelle, et, consterné par l’apparent déni de cette justice plus qu’humaine, il trembla lorsque l’évêque saisit à pleine main, ramena sur le front, tira à lui la chevelure.

Et ce fut comme un éclair d’acier dans une pluie noire.

L’on entendit, dans le silence de mort de l’église, le