Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/18

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des blancheurs d’aube ; alliant leurs sons de pure mousseline au timbre retentissant des bronzes, forant avec le jet comme en vif argent de leurs eaux les cataractes sombres des gros chantres, elles aiguillaient les plaintes, renforçaient jusqu’à l’amertume le sel ardent des pleurs, mais elles insinuaient aussi une sorte de caresse tutélaire, de fraîcheur balsamique, d’aide lustrale ; elles allumaient dans l’ombre ces brèves clartés que tintent, au petit jour, les angélus ; elles évoquaient, en devançant les prophéties du texte, la compatissante image de la Vierge passant, aux pâles lueurs de leurs sons, dans la nuit de cette prose.

C’était incomparablement beau, ce « De profundis » ainsi chanté. Cette requête sublime finissant dans les sanglots, au moment où l’âme des voix allait franchir les frontières humaines, tordit les nerfs de Durtal, lui tressailla le cœur. Puis il voulut s’abstraire, s’attacher surtout au sens de la morne plainte où l’être déchu, lamentablement, implore, en gémissant, son Dieu. Et ces cris de la troisième strophe lui revenaient, ceux, où suppliant, désespéré, du fond de l’abîme, son Sauveur, l’homme, maintenant qu’il se sait écouté, hésite, honteux, ne sachant plus que dire. Les excuses qu’il prépara lui paraissent vaines, les arguments qu’il ajusta lui semblent nuls et alors il balbutie : « si vous tenez compte des iniquités, Seigneur, Seigneur, qui trouvera grâce ? »

Quel malheur, se disait Durtal, que ce psaume qui chante si magnifiquement, dans ses premiers versets, le désespoir de l’humanité tout entière, devienne, dans ceux qui suivent, plus personnel au Roi David. Je sais bien, reprit-il, qu’il faut accepter le sens symbolique