Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/20

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de Lassus, Haendel, Bach, Haydn, avaient écrit de merveilleuses pages ; souvent même, ils avaient été soulevés par l’effluence mystique, par l’émanation même du Moyen Age, à jamais perdue ; et leurs œuvres gardaient pourtant un certain apparat, demeuraient, malgré tout, orgueilleuses, en face de l’humble magnificence, de la sobre splendeur du chant grégorien et après ceux-là ç’avait été fini, car les compositeurs ne croyaient plus.

Dans le moderne, l’on pouvait cependant citer quelques morceaux religieux de Lesueur, de Wagner, de Berlioz, de César Franck, et encore sentait-on chez eux l’artiste tapi sous son œuvre, l’artiste tenant à exhiber sa science, pensant à exalter sa gloire et par conséquent omettant Dieu. L’on se trouvait en face d’hommes supérieurs, mais d’hommes, avec leurs faiblesses, leur inaliénable vanité, la tare même de leurs sens. Dans le chant liturgique créé presque toujours anonymement au fond des cloîtres, c’était une source extraterrestre, sans filon de péchés, sans trace d’art. C’était une surgie d’âmes déjà libérées du servage des chairs, une explosion de tendresses surélevées et de joies pures ; c’était aussi l’idiome de l’Eglise, l’Evangile musical accessible comme l’Evangile même, aux plus raffinés et aux plus humbles.

Ah ! la vraie preuve du Catholicisme, c’était cet art qu’il avait fondé, cet art que nul n’a surpassé encore ! C’était, en peinture et en sculpture les Primitifs ; les mystiques dans les poésies et dans les proses ; en musique, c’était le plain-chant ; en architecture, c’était le roman et le gothique. Et tout cela se tenait, flambait en