Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/234

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est ingrat, où trouver maintenant le laboureur qui l’ensemence, qui le herse, qui prépare, non pas même une moisson mystique, mais seulement une récolte spirituelle, capable d’alimenter la faim des quelques-uns qui errent, égarés, et tombent d’inanition dans le désert glacé de ces temps ?

Celui qui devrait être le cultivateur de l’au-delà, le fermier des âmes, le prêtre, est sans force pour défricher ces landes.

Le séminaire l’avait fait autoritaire et puéril, la vie au-dehors l’a rendu tiède. Aussi, semble-t-il que Dieu se soit écarté de lui et la preuve est qu’il a retiré tout talent au sacerdoce. Il n’existe plus de prêtre qui ait du talent, soit dans le livre ; ce sont les laïques qui ont hérité de cette grâce si répandue dans l’Eglise au Moyen Age ; un autre exemple est probant encore ; les ecclésiastiques n’opèrent plus que très rarement les conversions. Aujourd’hui, l’être qui plaît au Ciel se passe d’eux et c’est le Sauveur qui le percute, qui le manipule, qui manœuvre directement en lui.

L’ignorance du clergé, son manque d’éducation, son inintelligence des milieux, son mépris de la Mystique, son incompréhension de l’art, lui ont enlevé toute influence sur le patriciat des âmes. Il n’agit plus que sur les cervelles infantiles des bigotes et des mômiers ; et c’est sans doute providentiel, c’est sans doute mieux ainsi, car s’il devenait le maître, s’il parvenait à hisser, à vivifier la désolante tribu qu’il gère, ce serait la trombe de la bêtise cléricale s’abattant sur un pays, ce serait la fin de toute littérature, de tout art en France !

Pour sauver l’Eglise, il reste le moine que le prêtre