Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/38

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explosion de lumière qui s’est faite en moi. Quand je cherche à m’expliquer comment, la veille, incrédule, je suis devenu, sans le savoir, en une nuit, croyant, eh bien je ne découvre rien, car l’action céleste a disparu, sans laisser de traces.

Il est bien certain, reprit-il, après un silence de pensée, que c’est la Vierge qui agit dans ces cas-là sur nous ; c’est elle qui vous pétrit et vous remet entre les mains du Fils ; mais ses doigts sont si légers, si fluides, si caressants que l’âme qu’ils ont retournée n’a rien senti.

Par contre, si j’ignore la marche et les relais de ma conversion, je puis au moins deviner quels sont les motifs qui, après une vie d’indifférence, m’ont ramené dans les parages de l’Église, m’ont fait errer dans ses alentours, m’ont enfin poussé par le dos pour m’y faire entrer.

Et il se disait sans ambages, il y a trois causes :

D’abord un atavisme d’ancienne famille pieuse éparse dans des monastères ; et des souvenirs d’enfance lui revenaient, de cousines, de tantes, entrevues dans des parloirs, des femmes douces et graves, blanches comme des oublies, qui l’intimidaient, en parlant bas, qui l’inquiétaient presque lorsqu’en le regardant, elles demandaient s’il était sage.

Il éprouvait une sorte de peur, se réfugiait dans les jupes de sa mère, tremblant quand, en partant, il fallait apporter son front au-devant de lèvres décolorées pour subir le souffle d’un baiser froid.

De loin, alors qu’il y songeait maintenant, ces entrevues qui l’avaient tant gêné dans son enfance lui semblaient exquises. Il y mettait toute une poésie de cloître,