Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/398

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rées dans les autres églises, il y avait tout avantage à les écouter à Saint-Sulpice dont la puissante maîtrise, très bien dirigée, n’avait pas, ainsi qu’à Notre-Dame, par exemple, ces voix en farine qui s’égrugent au moindre souffle.

Cela ne devenait réellement odieux que lorsqu’en une formidable explosion, la première strophe du Magnificat frappait les voûtes.

L’orgue avalait alors une strophe sur deux et, sous le séditieux prétexte que la durée de l’office des encensements était trop longue pour être emplie, tout entière, par ce chant, M. Widor, installé devant son buffet, écoulait des soldes défraîchis de musique, gargouillait là-haut, imitant la voix humaine et la flûte, le biniou et le galoubet, la musette et le basson, rapiotait des balivernes qu’il accompagnait sur la cornemuse ou bien, las de minauder, il sifflait furieusement au disque, finissait par simuler le roulement des locomotives sur les ponts de fonte, en lâchant toutes ses bombardes.

Et le maître de chapelle, ne voulant pas se montrer inférieur dans sa haine instinctive du plain-chant à l’organiste, se donnait la joie, lorsque commençait le Salut, de remiser les mélodies grégoriennes, pour faire dégurgiter des rigodons à ses choristes.

Ce n’était plus un sanctuaire, mais un beuglant. Les « Ave Maria », les « Ave verum », tous les déculottages mystiques de feu Gounod, les rapsodies du vieux Thomas, les entrechats d’indigents musicastres, défilaient, à la queue leu leu, dévidés par des chefs de chœur de chez Lamoureux, chantés malheureusement aussi par des enfants dont on ne craignait pas de polluer la chasteté des voix, dans