Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/48

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dans ce milieu où elles se trouvaient vraiment chez elles.

Puis c’étaient des moments délicieux qu’il y écoulait, emporté dans ces nuées d’harmonie que sillonne l’éclair blanc de la voix enfantine jailli du tonnerre roulant des orgues.

Là, sans même prier, il sentait glisser en lui une langueur plaintive, un discret malaise ; Saint-Séverin le ravissait, l’aidait mieux que les autres à se suggérer, certains jours, une indéfinissable impression d’allégresse et de pitié, quelquefois même, alors qu’il songeait à la voirie de ses sens, à se natter l’âme de regrets et d’effroi.

Souvent, il y allait ; surtout, le dimanche matin, à dix heures, à la grand’messe.

Là, il s’installait derrière le maître-autel, dans cette mélancolique et délicate abside plantée, ainsi qu’un jardin d’hiver, de bois rares et un peu fous. On eût dit d’un berceau pétrifié de très vieux arbres tout en fleurs, mais défeuillés, de ces futaies de piliers carrés ou taillés à larges pans, creusés d’entailles régulières près de leurs bases, côtelés sur leurs parcours comme des pieds de rhubarbe, cannelés comme des céleris.

Aucune végétation ne s’épanouissait au sommet de ces troncs qui arquaient leurs rameaux dénudés le long des voûtes, les rejoignaient, les aboutaient, assemblant à leurs points de suture, à leurs nœuds de greffe, d’extravagants bouquets de roses blasonnées, de fleurs armoriées et fouillées à jour ; et depuis près de quatre cents ans ces arbres immobilisaient leur sève et ne poussaient plus. Les hampes à jamais courbées restaient intactes ; la blanche écorce des piliers s’effritait à peine, mais la plupart des fleurs étaient flétries ; des pétales héraldiques man-