Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maient deux ruisseaux gelés le long de ses joues.

Elle s’estimait encore trop heureuse, suppliait le Seigneur de ne point l’épargner ; elle obtenait de lui d’expier par ses douleurs les péchés des autres ; et le Christ l’écoutait, venait la voir avec ses anges, la communiait de sa main, la ravissait en de célestes extases, faisait s’exhaler, de la pourriture de ses plaies, de savants parfums.

Au moment de mourir, il l’assiste et rétablit dans son intégrité son pauvre corps. Sa beauté, depuis si longtemps disparue, resplendit ; la ville s’émeut, les infirmes arrivent en foule et tous ceux qui l’approchent guérissent.

Elle est la véritable patronne des malades, avait conclu l’abbé ; et, après un silence, il avait repris :

— Au point de vue de la haute Mystique, Lidwine fut prodigieuse, car l’on peut vérifier sur elle la méthode de substitution qui fut et qui est encore la glorieuse raison d’être des cloîtres.

Et comme, sans répondre, Durtal l’avait interrogé du regard, il avait poursuivi :

— Vous n’ignorez pas, Monsieur, que, de tout temps, des religieuses se sont offertes pour servir de victimes d’expiation au ciel. Les vies des Saints et des Saintes qui convoitèrent ces sacrifices et réparèrent par des souffrances ardemment réclamées et patiemment subies les péchés des autres, abondent. Mais, il est une tâche encore plus ardue et plus douloureuse que ces âmes admirables envient. Elle consiste, non plus à purger les fautes d’autrui, mais à les prévenir, à les empêcher d’être commises, en supplantant les personnes trop faibles pour en supporter le choc.