Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/74

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rasser, de lui faire perdre son temps et je me suis par discrétion abstenu d’aller le voir.

J’en suis maintenant fâché ; voyons, si je lui écrivais ou si j’y retournais, un matin ; mais pour quoi lui dire ? Encore faudrait-il savoir ce que l’on veut pour se permettre de le relancer. Si j’y vais seulement pour geindre, il me répondra que j’ai tort de ne pas communier, et que lui répliquerai-je ? Non, ce qu’il faudrait, ce serait le croiser comme par hasard sur les quais où il bouquine parfois ou chez Tocane, car alors je pourrais l’entretenir d’une façon plus intime, en quelque sorte moins officielle, de mes oscillations et de mes regrets.

Et Durtal se mit à battre les quais et n’y rencontra pas une seule fois l’abbé. Il se rendit chez le libraire sous le prétexte de feuilleter ses livres, mais, dès qu’il eut prononcé le nom de Gévresin, Tocane s’écria : je suis sans nouvelles de lui ; il y a deux mois qu’il n’est venu !

Il n’y a pas à tergiverser, il va falloir le déranger chez lui, se dit Durtal, mais il se demandera pourquoi je reviens, après une si longue absence. Outre la gêne que j’éprouve à retourner chez les personnes que j’ai délaissées, il y a encore cet ennui de penser qu’en m’apercevant l’abbé soupçonnera aussitôt un but intéressé à ma visite. Ce n’est vraiment pas commode ; si j’avais seulement un bon prétexte ; il y aurait bien cette vie de Lidwine qui l’intéresse ; je pourrais le consulter sur divers points. Oui, mais lesquels ? Je ne me suis pas occupé de cette sainte depuis longtemps et il faudrait relire les indigents bouquins de ses biographes. Au fond, il serait plus simple et il serait plus digne d’agir franchement, de lui dire : voici le motif de ma venue ; je