Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/79

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plus qu’un, que deux étages, puis, peu à peu, elles s’espacèrent, ne furent plus reliées, les unes aux autres, que par des bouts déplâtrés de murs.

C’est égal, se disait Durtal, si ce coin de rue est dénué de prestige, il est, en revanche, bien intime ; au moins ici, on est dispensé d’admirer le décor saugrenu de ces modernes agences qui exposent dans leurs vitrines, ainsi que de précieuses denrées, des piles choisies de bûches et, dans des compotiers de cristal, les dragées des anthracites et les pralines des cokes.

Et puis voici une ruelle vraiment cocasse et il regardait une sente qui descendait en pente roide dans une grande rue où l’on apercevait le drapeau tricolore en zinc d’un lavoir ; et il lut ce nom : rue de l’Ebre.

Il s’y engagea : elle mesurait quelques mètres à peine, était arrêtée dans toute sa longueur, à droite, par un mur derrière lequel on entrevoyait des masures éclopées, surmontées d’une cloche. Une porte cochère treillissée d’un guichet carré s’enfonçait dans ce mur qui s’élevait à mesure qu’il descendait et finissait par se trouer de croisées rondes, par s’élever en une petite bâtisse que dépassait un clocher si bas que sa pointe n’atteignait même pas la hauteur de la maison de deux étages, située en face.

De l’autre côté, c’était une glissade de trois bicoques, collées les unes contre les autres ; des tuyaux de zinc rampaient, en montant comme des ceps, se ramifiaient comme les tiges d’une vigne creuse, le long des murs ; des fenêtres baîllaient sur des caisses rouillées de plomb. L’on discernait dans de vagues cours d’affreux taudis ; dans l’un, était un galetas où dormaient des vaches ;