Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/125

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que, se cabrent et se désarçonnent, ne fût-ce que pendant l’espace d’une minute, devant l’offense  ; et l’offense soudaine, brutale, est soutenable si on la compare au lent taraudage des vexations et des crasses  ; on se ressaisit, après un coup de tampon, mais l’on s’agite et l’on s’affole, si l’on endure des piqûres réitérées d’épingles  ; leur continuité exaspère ; elle irrigue, en quelque sorte, les terres sèches de l’âme, donne aux péchés de rancune et de colère le temps de pousser, et dieu sait si leurs rejetons sont vivaces !

Et chose plus curieuse, si l’on parvient à se roidir, à se refréner, à obtenir qu’à défaut d’une affection pour son persécuteur, l’oubli, le silence, descendent au moins en soi  ; si l’on arrive même à étouffer ses plaintes, à juguler le ressentiment dès qu’il paraît, voilà que l’on s’ébroue sur des riens, que l’on écume pour des vétilles. On a évité de culbuter dans le fossé et l’on se luxe le pied dans un creux et l’on ne s’en étale pas moins, par terre, de tout son long.

L’orgueil est peut-être mort, mais l’amour-propre, mal inhumé, survit ; l’étiage du péché diminue, mais la boue subsiste et le démon y trouve encore et largement son compte.

Ces chutes seraient évidemment très ridicules, si l’on ne connaissait la tactique dont le Malin use ; elle est simple, chacun la comprend et toujours cependant, elle réussit. Contre ceux dont les fautes sont devenues bénignes, il se démène et concentre des efforts sur un seul point ; et, ce qui est lamentable, c’est que, si, se défiant de sa ruse, l’on fortifie ce point, l’on dégarnit les autres et alors il simule l’assaut du rempart armé, consent même à