Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/127

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douce coule en vous ; c’est un narcotique qui vous engourdit. Il y a, en somme, une seconde d’ahurissement, suivie d’une seconde de complaisance  ; et l’on parvient à se reprendre mais pas assez vite pour que ce rien de plaisir, dû à un bref oubli de soi-même, ne vous ait été sensible ; trop, sans doute, puisque quelquefois un brin de regret s’insinue d’avoir dû, par devoir, rejeter la séduction du charme. — Tout cela s’effectue en un clin d’œil, sans que l’on ait le temps de se reconnaître et ce n’est qu’après, à la réflexion, que l’on peut décomposer l’ensemble de l’opération et en discerner les détails. A-t-on péché et dans quelle mesure ? Dieu, seul, le sait.

Pour se consoler, il sied de se répéter que le démon ne peut rien sur la volonté, très peu sur l’intelligence et tout sur l’imagination. Là, il est le maître et il y déchaîne le sabbat ; mais ce bacchanal n’a pas plus d’importance que le vacarme d’une musique militaire qui passe sous vos fenêtres. Les vitres s’ébranlent, les objets s’émeuvent dans la pièce et l’on ne s’entend plus. Il n’y a qu’à se tenir coi et à attendre que le fracas des cuivres et des caisses, en s’éloignant, s’efface. Ce tumulte se produit en dehors de nous, nous le subissons, mais nous n’en sommes pas responsables, à moins, dame, que nous n’allions nous mettre à la croisée pour le mieux écouter, car alors il y aurait assentiment. — Oui, c’est aisé à dire, mais…

Une question bien peu claire aussi est celle de la Charité  ; il convient de l’observer envers son prochain, c’est convenu  ; mais, en certains cas, où prend-elle naissance et où meurt-elle ? Que deviennent, à certains moments