Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/171

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les Ordres, quels qu’il soient, un microscope spécial qui change les fétus en poutres. Un mot, un geste insignifiant, sans portée autre part, prend des proportions inquiétantes dans un cloître ; on rumine sur les actes les plus simples pour y loger des dessous ; la critique la plus bénigne, la plaisanterie la plus inoffensive, deviennent des attentats. Par contre, il suffit qu’un religieux produise une œuvre quelconque pour qu’aussitôt la gloire du clocher naisse. Il y a le grand homme de monastère, de même qu’il y a le grand homme de province ; c’est puéril et c’est touchant ; mais, vous le dites très bien, cela dérive de l’esprit de corps et d’une existence rétrécie et mal renseignée sur les alentours.

— Quant à ne pas suivre les préceptes de saint Benoît, poursuivit le moine qui sourit à la remarque de Durtal, cela est plus grave. En quoi, mon cher Monsieur Lampre, ne les suivons-nous pas ?

— C’est pourtant clair ; la règle de saint Benoît, ainsi que la plupart des règles des autres instituts d’ailleurs, se compose surtout d’avis généraux et de conseils. Les points, en dehors des prescriptions liturgiques qu’elle précise comme devant être strictement observés, sont plutôt rares. Or, ce sont ceux-là dont vous ne vous souciez guère. Ainsi, les moines doivent coucher tout habillés et en dortoir, ils doivent réciter matines, avant l’aube, ils doivent, sauf les malades et les infirmes, s’abstenir de la chair des quadrupèdes, par tous les temps — et vous couchez déshabillés et en cellules, vous récitez l’office après l’aurore et vous mangez de la viande.

— De quadrupède, s’écria Mlle de Garambois, mais alors la volaille qui n’a que deux pattes est permise !