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Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/18

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Jamais il n’avait si bien compris la nécessité de la prière en commun, de la prière liturgique, de cette prière dont l’église a déterminé le moment et arrêté le texte. Il se disait que tout est dans les psaumes, les allégresses et les contritions, les adorations et les transes ; que leurs versets s’adaptent à tous les états d’âme, répondent à tous les besoins. Il se rendait compte de la puissance de ces suppliques agissant par elles-mêmes, par la vertu de l’inspiration divine qu’elles recèlent, par ce fait qu’elles sont celles que le fils formula, pour être offertes à son père par ses fidèles préfigures. Maintenant qu’il en était privé, il éprouvait une défaillance de tout son être, une impression d’implacable découragement, d’accablant ennui.

— Eh oui, disait-il à son confesseur l’abbé Gévresin, eh oui, je suis obsédé par les vieux phantasmes ; je me suis inoculé le savoureux poison de la liturgie et je l’ai dans le sang de l’âme et je ne l’élimine point. Je suis le morphinomane de l’office ; c’est stupide ce que je vous raconte, mais c’est ainsi !

— Et l’abbé de Solesmes, que pense-t-il de ces hésitations ? Demandait le vieux prêtre.

— Dom Delatte a des yeux qui rient et une bouche qui se plisse en une moue un peu dédaigneuse, lorsqu’il écoute le récit de mes inconstances. Peut-être croit-il qu’il y a de la tentation dans mon cas, comme je l’ai cru moi-même, longtemps.

— Et moi aussi, fit l’abbé Gévresin.

— Mais vous ne le pensez plus ! Rappelez-vous combien nous avons imploré la vierge de sous-terre pour être éclairés ; et chaque fois que je retournais à Solesmes,