Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

démesurée de succès. Il se savait soutenu par les hobereaux qu’il avait visités, presque sympathique au maire qui, bien que socialiste et libre penseur, était, en haine des religieux, enclin à lui accorder son appui. Aussi, à peine fut-il installé au Val des Saints, qu’il engagea la lutte.

Et il débuta par un grand coup.

Dès le premier dimanche, il voulut faire table rase, détruire, en un jour, l’œuvre patiemment poursuivie, depuis plusieurs années, par les moines ; il déclara aux jeunes paysannes qui connaissaient le plain-chant que l’on chanterait désormais des cantiques et il en distribua dont les airs de guinguette plurent d’ailleurs aux filles.

Poussé par les noblaillons du crû, il enleva de ce village cette senteur de hameau Moyen-Age qu’il exhalait, le dimanche, aux offices, et il transforma ce pays, unique peut-être en son genre, en un lieu comme un autre où l’on brailla dans l’église des rigaudons.

Puis lorsque ses « enfants de Marie » furent suffisamment exercées pour goualer sans trop d’accrocs, ses fariboles, il pria le cloître de lui prêter, pour les accompagner, son organiste, inoccupé, ce jour-là, puisque l’oratoire intérieur ne contenait aucun orgue.

Le P. Abbé était heureusement absent car, n’y cherchant pas malice, il eût sans doute cédé ; mais l’abbé Barbenton eut affaire à Dom de Fonneuve qui, plus méfiant, répondit :

— Cela dépend ; si vous vous confinez dans le plain-chant, oui ; autrement, non.

Vexé, le curé répondit qu’il était maître, dans son église, d’imposer, le dimanche, la musique qu’il aimait.