Aller au contenu

Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Voilà, disait-elle, il faut être indulgent les uns pour les autres, car chacun a sa petite manie et son gros péché ; moi, ce sont les friandises ; mon oncle, ce sont les vieux crus de la Bourgogne.

Mais il n’admettait pas cette assimilation ; l’amour des grands vins, disait-il, est un amour presque noble, car il y a une certaine beauté, un certain art dans la saveur, dans la couleur, dans le bouquet d’un Corton ou d’un Chambertin, tandis que la convoitise des chatteries et des gâteaux relève d’un sentiment bourgeois et décèle des instincts grossiers, des appétences viles ; et il la rabrouait, tandis qu’amusée de l’entendre grogner, elle se tordait.

En attendant qu’elle arrivât, — car ce matin-là elle devait déjeuner aussi, chez lui, — M. Lampre introduisit Durtal dans la pièce où s’alignaient sur des rayons de chêne les histoires monastiques et les cartulaires.

La pièce était vaste, tapissée d’un papier fleuri de coquelicots sur champ gris, meublée de bergères en velours d’utrecht citron, de tables d’acajou, d’un secrétaire empire avec serrure à trèfle.

Durtal explorait les bibliothèques, mais quelques-uns seulement de ces gros bouquins l’intéressaient car, de même que dans toutes les collections, il y avait, pour faire nombre et compléter les recueils, un tas de volumes illisibles que, pas plus que lui, M. Lampre n’ouvrait.

Ce qui captivait davantage Durtal, c’étaient les livres d’heures : ceux-là étaient rangés dans le secrétaire et enfermés dans des écrins. M. Lampre ne désirait généralement pas les montrer ; il les gardait jalousement