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Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/406

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se dirigeaient vers la porte quand ils rencontrèrent M. Lampre. Lui, sortait de chez le P. Abbé ; il paraissait abattu et sa barbe sanglière semblait tirée, comme tourmentée par un fourragement fiévreux de mains.

— Eh bien, demanda-t-il, l’empaquetage de bouquins avance ?

— Oui, répondit le père, avec un soupir.

— Et vous partez toujours, ce soir, pour la Belgique ?

— Oui, mais je n’y séjournerai guère et rejoindrai sans tarder le Val des Saints, car je tiens à surveiller, moi-même, la mise des étiquettes sur les caisses. Ah ! Il s’en écoulera du temps avant que l’on n’ait réinstallé et classé cette bibliothèque dans un grenier, Dieu sait où !

Il y eut un silence, puis, se parlant plus à lui-même qu’à ses deux compagnons, le vieux religieux reprit :

— Pour nous autres, enfermés dans un monastère, peu au courant des incidents qui se produisent depuis des années, au dehors, quel réveil ! — mais lorsqu’on marche sur sa soixante-treizième année et que le sommeil devient, de jours en jours, plus rare, l’on est bien forcé, la nuit, de méditer son examen de conscience et alors on se pose la question de savoir si le seigneur, mécontent de ses ordres, ne tolère pas cette persécution pour les punir.

Oui, cette idée me hante, pendant mes insomnies, et je commence à croire que nous n’avons pas volé le châtiment que le sauveur nous inflige.

Voyez-vous, continua Dom De Fonneuve, après un silence, certainement on aime bien le bon Dieu, dans cette abbaye ; je puis assurer, sans mentir, qu’elle ne détient aucun mauvais moine, mais est-ce suffisant ?