Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/51

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Les uns buvaient de l’eau rougie et les autres de l’eau ; le silence était de rigueur ; chacun mangeait, le nez dans son assiette.

Et toujours, après avoir psalmodié au dîner quelque passage de la bible ou au souper, quelques articles de la règle, le lecteur de semaine attaquait une lecture religieuse ou semi-profane précédée de cette annonce : s’ensuit l’histoire de… chapitre tant.

Il devait lire d’un ton monotone, voulu, séculairement imposé sans doute pour l’empêcher de plaire à ses auditeurs ou de se faire lui-même valoir et c’était comme une pluie de mots gris. L’on n’y prêtait guère attention, au début, mais quand la première fringale d’appétit était satisfaite, les têtes se renversaient, les reins s’accotaient à la cloison et si l’histoire était intéressante, on l’écoutait.

Elle était, malheureusement, fort ennuyeuse, d’habitude. On avalait des tranches historiques insipides, ou, ce qui était pis, des morceaux de vies de saints, écrites dans ce style oléagineux, cher aux catholiques ; et parfois alors, un sourire courait sur les lèvres des religieux, en entendant pour la millième fois les expressions fatiguées de ces rengaines.

Ceux qui avaient achevé leur repas, essuyaient leur couteau et leur couvert qu’ils réenveloppaient, après les avoir lavés, dans leur serviette. Le père Abbé regardait si tout le monde avait consommé sa part de fromage et, d’un coup sec de son petit marteau, frappant la table, il arrêtait la lecture.

L’hebdomadier, interrompu, changeait de voix et lançait alors sur un ton modulé et plaintif :