Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/136

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ma folle envie de vous rencontrer qui prend des proportions qui m’atterrent. Hier soir, malgré moi, votre nom qui me brûlait est sorti de mes lèvres. Mon mari, l’un de vos admirateurs pourtant, paraissait un peu humilié de cette préoccupation qui, du reste, m’absorbait et faisait courir en moi d’insoutenables frissons. Un de nos amis communs — car pourquoi ne pas vous le dire, nous nous connaissons, si l’on peut appeler se connaître s’être vus dans le monde ; — un de vos amis est donc venu et il a déclaré qu’il était franchement amoureux de vous. J’étais dans un état si exaspéré que je ne sais ce que je fusse devenue, sans le secours inconscient d’une personne qui prononça, à point nommé, le nom d’un être si grotesque que je ne l’entends jamais sans rire. Adieu, vous avez raison, je me dis que je ne veux plus vous écrire et je fais tout le contraire.

« À vous, comme il ne se pourrait pas que je le fusse, en réalité, sans nous briser tous les deux. »

Puis sur une réponse en ignition, ce dernier billet porté, en courant, par une bonne :

« Ah ! si je ne me sentais prise d’une peur qui va jusqu’à l’effarement ; — et cette peur, avouez que vous l’avez autant que moi-même, — comme je volerais vers vous ! non, vous ne pouvez entendre les mille entretiens dont mon âme fatigue la vôtre ; tenez, il y a, dans ma triste vie, des heures