Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/154

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réel dédoublement. Tout un côté visible de femme du monde, de salonnière prudente et réservée et un autre côté alors inconnu de folle passionnée, de romantique aiguë, d’hystérique de corps, de nymphomane d’âme, c’est bien invraisemblable !

Non, décidément, je suis sur une fausse piste, reprit-il ; le hasard a pu faire que Mme Chantelouve ait parlé de mes livres à des Hermies mais de là à conclure qu’elle s’est toquée de moi et qu’elle écrit de semblables lettres, il y a loin. Non, ce n’est pas elle ; mais qui, alors ?

Il continuait à tourner sur lui-même, sans avancer d’un pas ; il évoqua de nouveau cette femme, s’avoua qu’elle était vraiment pressante, gamine de corps, flexible, sans de répugnants arias de chairs ! mystérieuse avec cela, par son air concentré, ses yeux plaintifs, par sa froideur, réelle ou voulue, même !

Il récapitula les renseignements qu’il possédait sur elle ; il savait simplement qu’elle avait épousé Chantelouve en secondes noces, qu’elle n’avait pas d’enfants, que son premier mari, un fabricant de chasubles, avait, pour des causes ignorées, fini par un suicide. Et c’était tout. Par contre, les potins racontés sur Chantelouve étaient intarissables !

Auteur d’une histoire de la Pologne et des Cabinets du Nord, d’une histoire de Boniface VIII