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Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/156

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aigrefin ; Durtal avait même remarqué qu’à chacun des dîners offerts par Chantelouve figurait un inconnu bien mis et le bruit courait que ce convive était un étranger auquel on montrait ainsi que des statues de cire les hommes de lettres et auquel on empruntait, avant ou après, d’imposantes sommes.

Ce qui est indéniable, se dit-il, c’est que ce ménage vit largement et qu’il ne possède aucunes rentes. D’autre part, les libraires et les journaux catholiques payent plus mal encore que les éditeurs séculiers et que les feuilles laïques. Il est donc impossible que, malgré son nom répandu dans le monde des cléricaux, Chantelouve touche des droits d’auteur suffisants pour maintenir sa maison sur un tel pied !

Tout cela, reprit-il, reste quand même trouble. Que cette femme soit malheureuse dans son intérieur et qu’elle n’aime pas le sacristain véreux qu’est son mari, cela se peut ; mais quel est son véritable rôle dans le ménage ? est-elle au courant des amorces pécuniaires de Chantelouve ? quoi qu’il en soit, je ne vois pas bien l’intérêt qui la détermine à s’orienter vers moi. Si elle est de connivence avec son mari, le bon sens indique qu’elle doit chercher un amant influent ou riche, et elle sait parfaitement que je ne remplis ni l’une ni l’autre de ces conditions. Chantelouve n’ignore pas, en effet, que je suis incapable de solder des frais de