Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/165

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chettes roses par les bruyères, de petites gousses jaunes, par les taillis des ajoncs et les touffes des genêts.

On sentait que ce firmament couleur de fer, que ce sol famélique, à peine empourpré, çà et là, par la fleur sanglante du blé noir ; que des routes bordées de pierres posées, les unes sur les autres, sans plâtre ni ciment, en tas ; que ces sentes bordées d’inextricables haies, que ces plantes bourrues, que ces champs sans aide, que ces mendiants estropiés, mangés de vermine et vernis de crasse, que ce bétail même, fruste et petit, que ces vaches trapues, que ces moutons noirs dont l’œil bleu avait le regard clair et froid des tribades et des Slaves, se perpétuaient, absolument semblables dans un paysage identique, depuis des siècles !

La campagne de Tiffauges que gâtait pourtant, un peu plus loin, près de la rivière de la Sèvre, un tuyau d’usine, restait en parfait accord avec le château, debout, dans ses décombres. Ce château se décelait immense, enfermait dans son enceinte encore tracée par des débris de tours, toute une plaine convertie en le misérable jardin d’un maraîcher. Des lignes bleuâtres de choux, des plants de carottes appauvries et de navets étiques, s’étendaient le long de cet énorme cercle où des cavaleries avaient ferraillé dans des cliquetis de charges, où des processions s’étaient déroulées dans