Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/238

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de Prélati. Tous deux les offrirent, dans des objurgations passionnées, au Diable qui se tut. Gilles exaspéré s’enfuit. Prélati roula ces pauvres restes dans un linge et, tremblant, s’en fut, dans la nuit, les inhumer en terre sainte, auprès d’une chapelle dédiée à Saint Vincent.

Le sang de cet enfant que Gilles avait conservé pour écrire ses formules d’évocation et ses grimoires, s’épandit en d’horribles semailles qui levèrent et bientôt, de Rais put engranger la plus exorbitante moisson de crimes que l’on connaisse.

De 1432 à 1440, c’est-à-dire pendant les huit années comprises entre la retraite du Maréchal et sa mort, les habitants de l’Anjou, du Poitou, de la Bretagne, errent, en sanglotant sur les routes. Tous les enfants disparaissent ; les pâtres sont enlevés dans les champs ; les fillettes qui sortent de l’école, les garçons qui vont jouer à la pelote le long des ruelles ou s’ébattent au bord des bois, ne reviennent plus.

Au cours d’une enquête que le Duc de Bretagne ordonne, les scribes de Jean Touscheronde, Commissaire du Duc en ces matières, dressent d’interminables listes d’enfants qu’on pleure.

Perdu, à la Rochebernart, l’enfant de la femme Péronne, « un enfant qui allait à l’école et apprenait moult bien » dit la mère.

Perdu à Saint-Étienne de Montluc, le fils de