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Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/382

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outrages, gueulait, à bout de force, des injures de cocher ivre. Un des enfants de chœur s’agenouilla devant lui, en tournant le dos à l’autel. Un frisson parcourut l’échine du prêtre. D’un ton solennel, mais d’une voix clignotante il dit : « Hoc est enim corpus meum », puis, au lieu de s’agenouiller, après la consécration, devant le précieux corps, il fit face aux assistants et il apparut, tuméfié, hagard, ruisselant de sueur.

Il titubait entre les deux enfants de chœur qui, relevant la chasuble, montrèrent son ventre nu, le tinrent, tandis que l’hostie, qu’il ramenait devant lui, sautait, atteinte et souillée, sur les marches.

Alors Durtal se sentit frémir, car un vent de folie secoua la salle. L’aura de la grande hystérie suivit le sacrilège et courba les femmes ; pendant que les enfants de chœur encensaient la nudité du pontife, des femmes se ruèrent sur le Pain Eucharistique et, à plat ventre, au pied de l’autel, le griffèrent, arrachèrent des parcelles humides, burent et mangèrent cette divine ordure.

Une autre, accroupie sur un crucifix, éclata d’un rire déchirant puis cria : mon prêtre, mon prêtre ! une vieille s’arracha les cheveux, bondit, pivota sur elle-même, se ploya, ne tint plus que sur un pied, s’abattit près d’une jeune fille qui, blottie le long d’un mur, craquait dans des convulsions, bavait de l’eau gazeuse, crachait, en pleu-