Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/424

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Et après qu’elle eut dit oui, il reprit doucement : Eh bien, cela suffit, vous pouvez partir.

Il ne la toucha pas, ne lui prescrivit aucun remède. Je sortis, persuadé que cet empirique était ou un fumiste ou un fou, mais quand trois jours après, les bras se levèrent, quand cette fille ne souffrit plus et qu’au bout d’une semaine elle put marcher, je dus bien me rendre à l’évidence ; j’allai revoir ce thaumaturge, je découvris le joint pour lui être, en une circonstance, utile, et c’est ainsi que nos relations commencèrent.

— Mais enfin, quels sont les moyens dont il dispose ?

— Il procède, ainsi que le Curé d’Ars, par la prière ; puis il évoque les milices du Ciel, rompt les cercles magiques, chasse, « classe » suivant son expression, les Esprits du Mal. Je sais bien que c’est confondant, et que, lorsque je parle de la puissance de cet homme à mes confrères, ils sourient d’un air supérieur ou me servent le précieux argument qu’ils ont inventé pour expliquer les guérisons opérées par le Christ ou par la Vierge. Ça consiste à frapper l’imagination du malade, à lui suggérer la volonté de guérir, à le persuader qu’il est bien portant, à l’hypnotiser, en quelque sorte, à l’état de veille, moyennant quoi, les jambes tordues se redressent, les plaies disparaissent, les poumons des phtisiques se bouchent,