Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/442

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— Le peuple, fit des Hermies, en versant de l’eau dans la cafetière, au lieu de l’améliorer, les siècles l’avarient, le prostrent, l’abêtissent ! Rappelez-vous le Siège, la Commune, les engouements irraisonnés, les haines tumultuaires et sans cause, toute la démence d’une populace mal nourrie, trop désaltérée et en armes ! — Elle ne vaut tout de même pas la naïve et miséricordieuse plèbe du Moyen Âge ! Raconte donc, Durtal, ce que fit le peuple, alors que Gilles de Rais fut conduit au bûcher.

— Oui, dites-nous cela, demanda Carhaix, ses gros yeux noyés dans la fumée de pipe.

— Eh bien ! vous le savez, à la suite de forfaits inouïs, le Maréchal de Rais fut condamné à être pendu et brûlé vif. Ramené, après le jugement, dans sa geôle, il adressa une dernière supplique à l’Évêque Jean de Malestroit. Il le pria d’intercéder auprès des pères et mères des enfants qu’il avait si férocement violés et mis à mort, pour qu’ils voulussent bien l’assister dans son supplice.

Et ce peuple dont il avait et mâché et craché le cœur, sanglota de pitié ; il ne vit plus en ce seigneur démoniaque qu’un pauvre homme qui pleurait ses crimes et allait affronter l’effrayante colère de la Sainte Face ; et, le jour de l’exécution, dès neuf heures du matin, il parcourut, en une longue