Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/47

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dans le bronze du mortier des sons terribles. La tour tremblait, la margelle sur laquelle il se tenait trépidait comme le plancher d’un train ; un grondement, continuel, énorme, roulait brisé par le fracassant éclat des coups.

Il avait beau explorer le plafond de la tour, il ne découvrait personne ; il finit pourtant par entrevoir une jambe lancée dans le vide qui culbutait l’une des deux pédales de bois attachées au bas de chaque cloche, et, se couchant presque sur les madriers, il aperçut enfin le sonneur, retenu par les mains à deux crampons de fer, se balançant au-dessus du gouffre, les yeux au ciel.

Durtal fut stupéfié, car jamais il n’avait vu une telle pâleur et une si déconcertante face. Cet homme n’avait pas le ton de cierge des convalescences, ni le ton mat des parfumeuses auxquelles les odeurs ont décoloré le derme ; ce n’était pas encore la chair poussiéreuse, tournée au gris, des porphyriseurs des tabacs qu’on prise ; c’était le teint livide exsangue des prisonniers au Moyen Âge, le teint maintenant ignoré de l’homme interné jusqu’à sa mort dans un cachot pluvieux, dans un noir in-pace, sans air.

L’œil était bleu, proéminent, en boule, l’œil à larmes des mystiques, mais il était singulièrement contredit par une moustache en chiendent sec de Kaiserlick ; cet homme était tout