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Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/60

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queuses. L’inscription que portait l’une d’elles « paco cruentos », « j’apaise les aigris », est singulièrement juste quand on y songe !

Cette conversation hanta Durtal qui, le soir, alors qu’il fut seul chez lui, se prit à rêvasser dans sa couche. Cette phrase du sonneur que la véritable musique de l’Église, c’était celle des cloches, lui revint telle qu’une obsession. Et sa rêverie subitement reculée de plusieurs siècles évoqua, parmi de lents défilés de moines au Moyen Âge, la troupe agenouillée des ouailles qui répondait aux appels des angélus et buvait comme le dictame du vin consacré les gouttes flûtées de leurs sons blancs.

Tous les détails qu’il avait autrefois connus des séculaires liturgies se pressèrent : les Invitatoires des Matines, les carillons s’égrenant en des chapelets d’harmoniques bulles sur les rues tortueuses et serrées, aux tourelles en cornets, aux pignons en poivrières, aux murs percés de chantepleures et armés de dents, des carillons chantant les heures canoniales, les primes et les tierces, les sextes et les nones, les vêpres et les complies, célébrant l’allégresse d’une cité par le rire fluet de leurs petites cloches ou sa détresse, par les larmes massives des douloureux bourdons !

Et c’étaient alors des maîtres sonneurs, de vrais accordants, qui répercutaient l’état d’âme d’une