Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une France sans cohésion, une France absurde. Il a dispersé les éléments semblables, cousu les nationalités les plus réfractaires, les races les plus hostiles. Il nous a dotés, et pour longtemps, hélas ! de ces êtres au brou de noix et aux yeux vernis, de ces broyeurs de chocolat et mâcheurs d’ail, qui ne sont pas du tout des Français, mais bien des Espagnols ou des Italiens. En un mot, sans Jeanne d’Arc, la France n’appartenait plus à cette lignée de gens fanfarons et bruyants, éventés et perfides, à cette sacrée race latine que le diable emporte !

Durtal leva les épaules.

— Dis donc, fit-il, en riant : tu sors des idées qui me prouvent que tu t’intéresses à ta patrie ; ce dont je ne me doutais guère.

— Sans doute, répondit des Hermies, en rallumant sa cigarette. Je suis de l’avis du vieux poète d’Esternod : « Ma patrie, c’est où je suis bien. » — Et je ne suis bien, moi, qu’avec des gens du Nord ! Mais voyons, je t’ai interrompu ; revenons à nos moutons ; où en étais-tu ?

— Je ne sais plus. — Si, tiens, je disais que la Pucelle avait accompli sa tâche. Eh bien, une question se pose ; que devient, que fait Gilles, après qu’elle fut capturée, après sa mort ? — Nul ne le sait. Tout au plus signale-t-on sa présence dans les environs de Rouen, au moment où le procès s’instruit ; mais de là à conclure, comme certains