Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/159

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Il paraît, en effet, acquis que certains architectes voulurent feindre, dans la structure des temples qu’ils édifièrent, les conditions d’un organisme humain, singer le mouvement de l’être qui se penche, animer, en un mot, la pierre.

Cette tentative eut lieu à l’église abbatiale de Preuilly-sur-Claise, en Touraine. Le plan couché et les photogravures de cette Basilique illustrent un intéressant volume que je vous prêterai et dont l’auteur, l’abbé Picardat, est le curé même de cette église. Vous pourrez alors aisément reconnaître que l’attitude de ce sanctuaire est celle d’un corps qui se tend de biais, qui s’éploie tout d’un côté et s’incline.

Et ce corps remue avec le déplacement voulu de l’axe dont la courbe commence dès la première travée, va, en se développant, au travers des nefs du chœur, de l’abside, jusqu’au chevet dans lequel elle se fond, s’appropriant ainsi l’aspect ballant d’une tête.

Mieux qu’à Chartres, qu’à Reims, qu’à Rouen, l’humble bâtisse qu’érigèrent des Bénédictins dont les noms sont ignorés, portraiture, avec le serpentement de ses lignes, la fuite de ses colonnes, l’obliquité de ses voûtes, l’allégorique figure de Notre-Seigneur sur sa croix. Mais dans toutes les autres églises, les architectes ont mimé, en quelque sorte, la rigidité cadavérique, le chef infléchi par le trépas, tandis qu’à Preuilly, les moines ont fixé cet inoubliable moment qui s’écoule dans l’Evangile de Saint Jean entre le « Sitio » et le « Consummatum est. »

La vieille Eglise Tourangelle est donc l’effigie de Jésus crucifié, mais vivant encore.