Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/188

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ni leurs tragiques émois ; lui, pleure, à la douleur désespérée d’une femme. Il est une moniale d’art plus qu’un moine, et c’est de cette sensibilité toute amoureuse, plus particulièrement réservée, dans l’état mystique aux femmes, qu’il a su tirer les touchantes oraisons de ses œuvres et leurs tendres plaintes.

N’est-ce pas aussi de cette complexion spirituelle, si féminine, qu’il put également extraire, sous l’impulsion de l’Esprit, l’allégresse tout angélique, l’apothéose vraiment splendide de Notre Seigneur et de sa Mère, telle qu’il la peignit dans ce « Couronnement de la Vierge » qui, après avoir été révéré, pendant des siècles, dans l’église saint Dominique de Fiesole, s’abrite, admiré maintenant dans la petite salle de l’École Italienne, au Louvre. »

Elle est très bien votre étude, fit l’abbé Plomb, mais ces principes d’un rituel coloré que vous discernâtes chez l’Angelico, peuvent-ils se vérifier aussi exactement chez les autres peintres ?

— Non, si nous définissons les couleurs telles que l’Angelico les reçut de ses ancêtres monastiques, les enlumineurs de missels, et telles qu’il les appliqua dans leur acception la plus usitée et la plus stricte. Oui, si nous admettons la loi des oppositions, la règle des contrastes, si nous savons que la symbolique autorise le système des contraires, en permettant de noter avec certains tons qui indiquent certaines qualités, les vices inverses.

— En un mot, une nuance innocente peut être prise dans un sens pervers et vice versa, fit l’abbé Gévresin.

— C’est cela même. Les artistes laïques et pieux parlèrent, en somme, un idiome différent de celui des moines.