Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/341

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Il apparaît comme le type des Monarques de l’Orient, comme une sorte de Kalife, de Sultan, de Rajah de conte de fée, ce roi prodigieux, tout à la fois polygame effréné, assoiffé de luxe, et aussi, savant et artiste, pacifique, sage entre tous. En avance sur les idées de son temps, il a été le grand bâtisseur de la race et le commerce d’Israël est son œuvre. Il a laissé une réputation de sapience, de justice, telle qu’il a fini par passer pour un enchanteur et un sorcier. Déjà Josèphe raconte qu’il écrivit un grimoire, un livre d’incantations pour conjurer les esprits du Mal ; au Moyen Age on lui attribue un anneau magique, des amulettes, des recueils d’évocations, des secrets d’exorcismes ; et sa figure se brouille dans ces légendes.

Il subsisterait surtout, tel qu’un personnage des « Mille et une Nuits », si, au déclin de sa gloire, ne se levait avec lui l’image grandiose de la mélancolie de l’existence, de l’inanité de la joie, du néant de l’homme.

Sa vieillesse fut sombre. Epuisé par les femmes et dominé par elles, il renie son Dieu et sacrifie aux idoles. L’on aperçoit, en lui, de larges clairières, de vastes abats d’âme. Revenu de tout, las d’allégresse et saoul de fautes, il écrit d’admirables pages, précède le pessimisme le plus noir de nos temps, résume en de définitives phrases la souffrance de l’être qui subit la peine infligée de vivre. Quelle détresse que celle de l’Ecclésiaste !… « Tous les jours de l’homme ne sont que douleur et son occupation n’est que déplaisir »… « mieux vaut le jour de la mort que celui de la naissance »… « tout n’est que vanité et affliction de l’esprit »…

Et après son décès, le vieux roi reste à l’état