Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/358

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justement parce qu’elle en mourait d’envie ; elle s’imposa, par esprit de mortification, ce sacrifice.

— Une femme qui peut châtier ses désirs et vaincre sa curiosité, ça c’est fort !

Durtal se tut, puis, changeant de conversation, il dit :

— Vous causez toujours avec le ciel, Mme Bavoil ?

— Non, répliqua-t-elle tristement. Je n’ai plus ni colloques, ni visions. je suis sourde et aveugle. Dieu se tait.

Elle hocha la tête et, après une pause, elle poursuivit, s’entretenant avec elle-même :

— Il faut si peu de chose pour ne point Lui plaire. S’Il perçoit un soupçon de vanité dans l’âme qu’il éclaire, Il se retire. Et comme me l’a déclaré le père, le fait seul d’avoir parlé des grâces spéciales que Jésus m’accordait, prouve que je ne suis pas humble ; enfin que sa volonté s’accomplisse ! Et vous, notre ami, pensez-vous encore à vous réfugier dans une abbaye ?

— Moi, j’ai l’esprit qui bat la chamade, j’ai l’âme en vague !

— Parce que, sans doute, vous n’y allez pas franc-jeu ; vous avez l’air de traiter une affaire avec Lui ; ce n’est pas ainsi qu’on doit s’y prendre !

— Vous feriez quoi à ma place ?

— Je serais généreuse ; je Lui dirais : me voici, usez de moi, selon votre dessein ; je me donne sans conditions ; je ne vous demande qu’une chose, c’est de m’aider à vous aimer !

— Si vous croyez que je ne me les suis pas déjà reprochées, mes ladreries de cœur !

Ils cheminèrent en silence. Arrivés devant la Cathédrale, Mme