Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/363

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redondante, mafflue ; elle avait un cou de génisse et des chairs en crème, en tôt-fait, qui tremble quand on y touche. Jésus, dont l’expression était seule intéressante dans ce tableau, par une certaine gravité de petit homme, s’accusant sans dénaturer néanmoins le caractère de l’enfance, était, lui aussi, mol et replet ; et la scène se cantonnait sur un gazon semé de fleurs, de primevères, de violettes, de fraises, traitées par un miniaturiste, à petites lèches.

Il était tout ce que l’on voulait, ce tableau, de l’art lisse et ciré, froid sous sa couleur vive ; il était une œuvre méticuleuse et brillante, adroite, mais nullement religieuse ; il sentait la Décadence, le travail fignolé, le compliqué, le joli, et non le Primitif.

Cette Vierge commune et tassée, n’était qu’une bonne allemande bien vêtue et honnêtement campée, mais jamais elle n’avait été la Mère extasiée d’un Dieu ! puis, ces gens agenouillés ou debout ne priaient pas ; aucun recueillement dans ce panneau ; ces gens pensaient à autre chose, en croisant les mains et en regardant du côté du peintre qui les portraiturait. Quant aux volets, mieux valait ne pas les décrire. Que penser d’ailleurs de cette Sainte Ursule, au front renflé tel qu’un verre de ventouse, au ventre de femme enceinte, flanquée d’autres céatures, déhanchées comme elles et trouant, avec des nez en pied de marmite, les vessies de graisse blanche qui leur servaient de face ?

Et cette impression réitérée, nette, de l’insens mystique, Durtal la retrouvait au musée de la ville. Là, il étudiait le devancier de Stephan Lochner, Maître Wilhelm, le premier des Primitifs allemands dont on croit