Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/46

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Il y a peut-être aussi, en elle, moins une mésalliance des traits qu’un contraste résolu entre la toilette et la mine, entre la figure et le corps, se disait-il.

En somme, en essayant de la condenser, elle sentait et la chapelle et les champs. Elle tenait donc de la sœur et de la paysanne. Oui c’est presque exact, mais ce n’est cependant pas encore cela, reprenait-il ; car elle est moins digne et moins vulgaire, moins bien et mieux. Vue de derrière, elle est plus loueuse de chaises dans une église que nonne ; vue de devant, elle est beaucoup au-dessus de la terrienne. Il faut bien noter aussi que lorsqu’elle célèbre des Saints, elle s’élève et diffère ; alors elle s’exhausse dans une flambée d’âme ; mais toutes ces suppositions sont vaines, conclut-il, car je ne puis la définir sur une brève impression, sur un rapide aspect. Ce qui s’atteste certain, c’est que, tout en ne ressemblant pas à l’abbé, elle se dimidie, elle aussi, et se dédouble. Lui, a l’œil ingénu, des prunelles de première communiante et la bouche parfois amère d’un vieil homme ; elle, est hautaine d’apparence et humble d’âme ; et par de signes opposés, par des traits autres, ils obtiennent le même résultat, un identique ensemble d’indulgence paternelle et de bonté mûre.

Et Durtal était retourné bien souvent les voir. L’accueil ne variait point, Mme Bavoil le saluait par l’invariable formule : « voilà notre ami », tandis que le prêtre riait des yeux et lui pressait la main. Toujours, lorsqu’il voyait Mme Bavoil, elle priait ; devant ses fourneaux, lorsqu’elle ravaudait, lorsqu’elle époussetait le ménage, lorsqu’elle ouvrait la porte, partout, elle égrenait son rosaire, sans trêve.