Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/51

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tout en veillant à ce que son maître ne manque de rien. Cette sagace entente de la vie pratique n’a aucun rapport avec les vésanies et les délires. Il savait encore qu’elle n’avait jamais voulu accepter de gages. Il est vrai qu’aux yeux d’un monde qui ne rêve que de larcins permis, le désintéressement de cette femme pouvait suffire pour attester sa déraison ; mais, contrairement à toutes les idées reçues, Durtal ne pensait pas que le mépris de l’argent impliquât nécessairement la folie et plus il y réfléchissait, plus il demeurait convaincu qu’elle était une sainte pas bégueule, indulgente et gaie !

Ce qu’il pouvait constater aussi, c’est qu’elle était très complaisante pour lui ; dès sa rentrée de la Trappe, elle l’avait, de toutes les manières, aidé, lui raccordant le moral quand elle le voyait triste, allant, malgré ses protestations, passer en revue ses vêtements lorsqu’elle soupçonnait qu’il y avait des sutures à opérer, des boutons à coudre.

Cette intimité était devenue encore plus complète, depuis l’existence mitoyenne qu’ils avaient, tous les trois, menée en voyage, alors que Durtal les avait, sur leurs instances, accompagnés à La Salette. Et subitement, cet affectueux train-train faillit cesser. L’abbé s’éloignait de Paris.

L’évêque de Chartres venait de mourir et son successeur était l’un des plus vieux amis de Gévresin. Le jour où l’abbé Le Tilloy des Mofflaines fut promu à l’épiscopat, il supplia Gévresin de le suivre. Ce fut, pour le vieux prêtre, un rude débat. Il se sentait malade, fatigué, propre à rien, désirait, au fond, ne plus bouger et, d’un autre côté, il manquait de courage pour