Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/97

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sans un peu d’irritation, sans un peu de révolte, contre les exigences qu’il m’impose.

Le moment de la communion approchait ; l’enfant avait doucement rejeté la nappe de l’autre côté de la table et des nonnes, de pauvres femmes, des paysans arrivaient, tout ce monde croisant les mains, baissant la tête ; et l’enfant prit un flambeau et il précéda le prêtre, les yeux clos, de peur de voir l’hostie.

Il y avait une telle surgie d’amour et de respect chez ce petit être que Durtal béa d’admiration et gémit de peur. Sans pouvoir rien expliquer, dans l’obscurité qui descendait en lui, en ces velléités, en ces ondes d’émotions qui vous parcourent sans qu’aucun mot les puisse exprimer, il eut un élan vers Notre-Seigneur et un recul.

Forcément la comparaison s’imposait entre l’âme de cet enfant et la sienne. Mais c’est à lui et pas à moi à communier, se cria-t-il ; et il gisait inerte, les mains jointes, ne sachant à quoi se résoudre, dans un état tout à la fois implorant et craintif, quand il se sentit doucement poussé vers cette table et il y communia. Et cela en tâchant de se reconnaître, de prier, à la même minute, en même temps, dans ces malaises de frissons qui houlent au dedans de vous, qui se traduisent corporellement par un manque d’air, dans cet état si particulier où il semble que la tête soit vide, que le cerveau ne fonctionne plus, que la vie soit réfugiée dans le cœur qui gonfle et vous étouffe, où il semble, spirituellement aussi, lorsqu’on reprend assez d’énergie pour se ressaisir, pour regarder au-dedans de soi, que l’on se penche, dans un silence effrayant, sur un trou noir.