Aller au contenu

Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sions entêtées pour un sou, des ténacités de sauvage s’obstinant à ne pas comprendre. — La couture était par trop mal payée ! le pauvre peuple était pas heureux ! c’était l’éternelle requête : Ô M’ssieu ! vous ne pourriez pas me donner de la petite monnaie avec des sous ? c’étaient les doigts engourdis qui laissent échapper ce qu’ils tiennent, et l’aplatissement d’un corps sur le plancher, le râble en saillie, les mains traînant dans la poussière à la recherche de l’argent tombé.

Les brocheuses se groupèrent vis-à-vis de la caisse près de la machine à eau ; il y en avait d’accotées contre les piles qui remuaient des faces blêmes comme des têtes de veaux, d’autres, enlacées aux colonnes de la presse, se renversaient en arrière, se chatouillant pour se réveiller, laissant entrevoir sous leurs jupes relevées des bas sales et mal tirés, des bottines armées de clous. Seule, dans son coin, la contre-maître soufflait, épelant des chiffres, les additionnant avec un crayon mouillé de salive, regardant, atterrée, l’écroulement des filles sur le parquet.

L’atelier offrait alors le spectacle d’une morgue. Un tombereau de jupons semblait avoir été vidé, en un tas, et il y avait comme un grouillement de membres sous ce paquet de hardes. — La paie allait s’alentissant. — Les ouvrières qui restaient encore