Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mettait point que l’on posât dans un mouvement convenu, une femme fabriquée avec les bouts de corps de cinq ou six autres ; il fallait, selon lui, la saisir, la peindre, alors qu’elle ne s’y attendait pas, et quand, sans emphase apprêtée de gestes, elle se traînait ou sautillait avec la tristesse ou la joie d’une bête lâchée sans qu’on la surveille ! Au fond, la fille, jeune et vannée, au teint déjà défraîchi par les soirées longues, les seins encore élastiques, mais mollissant et commençant à tomber, la figure alléchante et mauvaise, polissonne et fardée, l’attirait. Céline avait, à défaut de ces salaisons de vices qu’il savourait si friamment, une mobilité des traits, des hauts de corps qui l’amusaient. Elle n’était pas très bien bâtie, ayant, comme sa sœur, la taille ramassée et courte ; mais cela lui importait peu à lui qui n’avait comme idéal que de créer une œuvre qui fût vivante et vraie !

Les formes irréprochables des tableaux dits de nu, avec leur modèle en serpent, sur un canapé, ou debout avec une jambe un peu pliée, une peau sans granules, crémeuse, bombée sur le devant d’une gorge ronde et crêtée de rose, l’horripilaient. Les anciens avaient réussi cela mieux qu’on ne le réussirait jamais ! Leurs souliers étaient éculés aujourd’hui, il fallait en fabriquer d’autres ! Il eût fait la femme en chair, lui, fanée comme la