Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/171

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gagnait très peu et que les parties qu’ils avaient commises avaient coûté cher. Il est vrai que si sa bourse qui n’était jamais bien grosse, puisque son père lui réclamait pour sa nourriture, son blanchissage et son logement, dix francs par semaine, avait aidé au paiement de ces réjouissances, jamais elle n’aurait pu faire honneur à son amoureux en achetant une capuche et un filet nœufs.

Elle pensa d’abord à aller trouver Alfred et à lui payer les deux francs, puis elle se fit la réflexion que cela la compromettrait par trop et qu’elle ferait ainsi passer Auguste pour un je ne sais quoi, et puis deux francs c’était une somme. C’est égal, le pauvre garçon était sans le sou ; peut-être n’avait-il pas de quoi fumer ! Elle eût voulu le savoir, et avec cette bonté imbécile qui souhaite des malheurs pour les réparer, elle aurait été satisfaite qu’il n’eût pas de quoi rouler des cigarettes, afin de pouvoir en chercher un paquet, et le lui offrir.

Quoi qu’il en fût, elle était prise d’un grand attendrissement et elle se reprochait le ton sec avec lequel elle lui avait parlé tout à l’heure. Elle n’y tint pas. Auguste était seul, dans son coin ; elle se leva et, ne sachant comment lui témoigner qu’elle n’était point fâchée contre lui, elle s’approcha et, sans lever les yeux, lui tendit la joue.