Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/184

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verre quand il veut boire, et encore, lorsque l’on met du sucre dans son grog, comme on ne retrouve jamais les petites cuillers, on est prié de sortir sa clef de sa poche et de piler son sucre avec ! Si vous appelez ça une perspective agréable pour un père, eh bien ! Vous n’êtes pas difficiles !

La mère Teston riposta avec une douceur aigre : — Alors, parce que votre femme est infirme, il s’ensuit que votre fille ne doit pas se marier ?

— Je ne dis pas cela, s’écria Vatard, je ne dis pas cela ! Je dis que si, au lieu de me proposer un garçon sans le sou et sans moyens pour en gagner, vous m’aviez présenté un ouvrier capable de rapporter une dizaine de francs par jour, j’aurais réfléchi, j’aurais vu ; je dis que, pour accepter la vie stupide que vous m’offrez, je veux que ma fille ne soit pas dans la misère, je veux une compensation enfin !

— Mais puisqu’ils s’aiment ! hurla Céline.

— Toi d’abord, tais ton bec, tu me soûles avec tes cris ! Ils s’aiment, ils s’aiment ! Comme c’est neuf ! tas de bûches ! Si l’on épousait toutes les femmes qu’on aime, ah bien ça serait du propre ! Eh ! ça leur passera ! Tout le monde a aimé une femme avant son mariage et en a épousé une autre ! C’est-il vrai ? Oui ou non ? Tenez, vous, la mère, avant de vous unir avec Alexandre, vous aviez certainement raffolé d’un autre homme.