Aller au contenu

Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne bouge pas, crie-lui dans les oreilles : C’est toi, t’es le premier, t’es l’unique, t’es le seul qui m’ait jamais plu ! Du bonheur en rôti, du bonheur en fricassée, du bonheur à toutes les sauces ! Je serai le garçon qui apporte, moyennant pourboires ; réponds, cela te va-t-il ?

— Je ne veux pas ! s’écria Céline.

— Ah ! tu ne veux pas ! Tu as cassé l’agrafe, tu as bien réfléchi ! Tu ne veux pas y venir faire une soudure, là, sur le zinc, en face. — Faudrait donc alors que je te tape sur le réverbère ? Non, là, sincèrement, ça me coûterait. — Voyons, décide-toi, restant de malheur, ou je cogne !

Céline jetait des regards éperdus autour d’elle ; elle eut peur, prit la main d’Anatole et se fit douce.

— Ah ! tu n’es pas raisonnable, tu sais bien qu’il ne m’est pas possible de te contenter, je n’ai pas le sou, il ne vend pas ses tableaux, il ne me donne presque rien, non, là, vrai, je ne peux pas !

— Tout ça, c’est des mots pour ne rien dire, reprit Anatole. — Tiens, je fais bien les choses, et il lorgnait du coin de l’œil deux sergents de ville qui poignaient au loin ; je te donne trois jours pour réfléchir ; d’ici là, je vais faire chauffer la colle qui doit nous réparer. Elle sera forte, je t’en réponds, et t’auras beau crier au vinaigre,