Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/216

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Elle se mit à bavacher tous les potins, toutes les parlottes de la brochure ; mais, ou la corde était usée, ou Céline n’avait plus cet accent et ces allures qui montrent. On l’écouta d’un air ennuyé, et, dès qu’on put croire qu’elle avait terminé ses récits, on parla d’autre chose, sans plus s’occuper d’elle.

Alors les soirées s’étendirent fastidieuses et mornes.

Le tête-à-tête devint tout aussi pitoyable que les réunions. Ils échangeaient à peine quelques mots. Certains soirs, ils se regardaient pendant des heures et, pour rompre le silence, Céline lâchait de ces questions auxquelles on ne saurait répondre.

Il jetait au hasard un oui ou un non.

Elle reprenait, cherchant ses phrases et s’étudiant à bien dire ; elle dégoisait d’innombrables bourdes, parlait du quart d’heure de rabais, des roses crémières, de l’œil de larynx, du zèbre du Liban, citait des proverbes à rebours, vantait les singes de terre cuite déguisés en avocats et exposés dans les galeries du Palais-Royal, racontait qu’elle était parente avec un jeune homme de bien du talent, un artiste qui dessinait des portraits au fusain d’après des photographies, et elle demandait à son peintre s’il pourrait en faire autant ; puis, changeant brusquement de con-