Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/223

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ses pantoufles, elle s’élançait derrière lui, courait tout d’une haleine au-devant d’Auguste qui cheminait, grelottant, depuis plus de vingt minutes, le long des murs.

Il emmenait la petite chez le marchand de vins le plus proche et ils convinrent, maintenant que les soirées devenaient mauvaises, de se rejoindre là, dans l’arrière-salle.

Mais ce taudis qui était presque vide, le soir où le conscrit avait payé à boire, regorgeait maintenant de loupeurs et de filles. Il devenait impossible de se parler et de s’embrasser. Ils changèrent d’endroit. Les mannezingues étaient pleins partout. Ils prirent le parti de chercher encore, et de visiter ensemble, à chaque rendez-vous, des salles plus désertes. Parfois ils déterraient des cabarets borgnes à peu près dépourvus de monde, mais ils s’emplissaient peu à peu et, bien qu’ils se réfugiassent dans les coins noirs, des rires les suivaient ; des hommes soûls turbulaient et en venaient aux prises ; d’ignobles ramassées blaguaient leurs délices ; ils finissaient, dégoûtés, par se quitter, d’un commun accord, plus tôt que de coutume.

Ces soirs-là, Désirée rentrait, agacée, inquiète, et Auguste, chauffé, malgré tout, par les propos turpides qu’il avait entendus, se trouvait bête. Se défiant de lui, il n’allait qu’apaisé aux rendez-