Aller au contenu

Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pensant : Ceux-là vont retrouver un gentil intérieur, ils vont pouvoir raconter à celle qui est chez eux, ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont vu. Il aspirait à la quiétude du ménage, à l’union reposante de deux êtres dont les intérêts et les pensées sont parfois les mêmes.

La nuit surtout, alors qu’il était couché et que la chambre était noire, toutes les pensées tristes l’obsédaient, et, bien qu’il fermât obstinément les yeux, il ne pouvait dormir. Il tentait quelquefois de rejeter tous ses chagrins, se disant : Mais en somme, je ne suis pas à plaindre, je suis heureux avec ma brave femme de mère. Il s’avouait pourtant que cette affection tranquille, que ces caresses tièdes de vieille femme le laissaient fâché ou froid ; — par moments, il s’épouvantait, craignant d’aimer moins sa mère.

Puis l’image de Désirée le hantait de nouveau et il se morfondait en regrets inutiles, se redisait : Ah ! si je n’étais pas allé au régiment, j’aurais aujourd’hui, comme tailleur d’écume, huit francs par jour, je pourrais me marier ; — et il cherchait à se consoler, se répétant que, s’il avait exercé un autre état, il n’aurait connu ni la maison Débonnaire ni Désirée. Il songeait à changer de profession, à en adopter une qui lui rapporterait davantage, mais il convenait qu’il n’était propre à rien, qu’il gagnait maintenant