Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/260

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que la petite avait pris par un chemin différent, s’était rendue au quai, et, dépitée de ne pas le voir, retournait chez elle. De plus près, il trouvait une femme qui n’avait rien de commun avec la sienne. La femme le fixait, alarmée ou ravie du pas qu’il avait fait vers elle ; — ou elle souriait, ou elle décrivait une courbe brusque pour l’éviter. Il arrivait au pont St-Germain, et désolé, il haletait ; — puis, lentement encore, il longeait les grilles de l’Entrepôt, examinait, aux lueurs chassieuses de lanternes posées aux quatre coins d’un trou, l’amas en réparation des tuyaux à gaz, des conduites à eau ; traversait la rue, s’accoudait sur le parapet au-dessus de la Seine qui coulait, noire, zébrée, çà et là, de tortilles de feu par le reflètement des réverbères. Onze heures sonnaient. — Pas de Désirée. — Ah ! Elle n’était vraiment pas gentille ! Elle avait paressé au coin du feu, s’était couchée chaudement sans penser à lui ! Puis il essayait de se persuader qu’elle était souffrante ; — mais non pendant la journée, elle avait jaboté et ri comme de coutume. — À six heures, elle avait quitté l’atelier, joyeuse et bien portante. Il eût été, en vérité, très-étonnant qu’elle fût tombée malade en rentrant chez elle. Peut-être son père l’avait-il retenue ? C’était encore peu probable. — Vatard ne sortait guère qu’à des jours fixés. — Désirée connaissait les soirs où il