Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/284

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montées, vidant sur la mariée une hottée d’injures, l’appelant : « Sophie de carton, Virginie de rencontre, pucelle de la rue Moufmouf. » Le désordre devint tel que la contre-maître dut user des grands moyens ; — elle régla le compte des plus enragées et les congédia, séance tenante.

Les hommes se tordaient pendant ces disputes, trouvant très drôle la farce qu’ils avaient faite. Le contre-maître les laissa s’ébaudir ; il espérait éviter ainsi les querelles incessantes qui se produisaient entre eux tous les samedis.

Ils travaillaient, en effet, plusieurs, à l’assemblage d’un même livre ; les uns passaient les feuilles, les autres les pliaient ou les mettaient en pile ; ils formaient ainsi une banque, marquaient un chiffre général de l’ouvrage produit pendant la semaine, se partageaient ensuite avec de longues chicanes et d’éternelles récriminations l’argent donné en bloc par le patron.

L’émoi causé par le départ des ouvrières mises à la porte n’était pas encore calmé, lorsque Céline arriva. Elle venait chercher son argent et celui de sa sœur. — On l’entoura et elle confirmait les détails donnés par la femme Teston, annonçait que sa mère allait mieux, que Désirée et elle reviendraient lundi, et, comme elle était pressée de retourner chez le père, elle chercha les petits livres qu’elles possédaient, en leur qua-