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Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/301

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leurs par-dessus la tête. Fainéante comme une couleuvre, elle était d’un mauvais rapport et d’une exigence qui croissait à mesure qu’elle travaillait moins.

Et puis, au fond, il avait une certaine amitié pour Céline ; il la jugeait bonne comme du pain, déliée comme une soie, brave à l’ouvrage, rigoleuse et assouplie. Il ne demandait pas mieux que de renouer avec elle ; il voulait seulement ne pas faire d’avances, simuler des indécisions, ne paraître céder qu’ému par des plaintes, vaincu par une pitié qui le désarmait.

— Eh bien et toi, lui dit Céline, qu’es-tu devenu depuis que nous nous sommes quittés ?

— Je me suis laissé aimer, répondit négligemment Anatole, par une ouvrière en corsets, une femme douce comme un verre de fine et tiède comme un bain-marie ! ah ! chaloupe ! c’en est un morceau de roi ! Mais, du reste, tu as dû la contempler, le jour où je t’ai croisée, un ange qui avait un chapeau neuf, t’as pu la voir ?

Céline prétendit ne l’avoir pas remarquée.

— Ça importe peu d’ailleurs, reprit-il ; il y en a qui ont de la veine et d’autres qui n’en ont pas ! — Voilà tout. — Moi j’en ai eu ; toi, tu es tombée sur un tableau qui te méprisait comme un restant de dîner ! Pourquoi aussi que tu as été fade comme cela ? Fallait le faire mariner dans une sau-