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Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/35

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et le nez dans l’épaule, les yeux fermés, ronflait lentement, mal à l’aise et frissonnante ; Vatard, lui, fumait sa pipe et se désolait ; une odeur de brûlé s’échappait de la cuisine ; — enfin Désirée se réveilla en sursaut, se frotta énergiquement les yeux et dressa la table. Le dîner fut étrange. — Très mécontent, le père gardait le silence, les filles tapotaient dans leur assiette et, ahuries, mangeaient. — Quand le dessert fut avalé, ce fut au tour du père à s’assoupir et au tour des filles à se réveiller.

Céline fit chauffer de l’eau pour le café. — À ce moment le ciel très assombri remua, des rafales secouèrent la maison du faîte aux caves, des tourbillons de vent s’engouffrèrent dans la cheminée, chassant la fumée du charbon dans la chambre. Du coup, tout le monde fut vraiment sur pieds et se précipita vers les fenêtres pour les ouvrir. — Sapristi ! dit Vatard, si ce temps-là continue, les Teston ne viendront pas, et il s’accouda sur la balustrade de la croisée, avec cette joie de l’individu qui se sent à l’abri et ne serait pas fâché de voir tremper les autres. — Le tout, c’est qu’ils soient sortis de chez eux, pensa-t-il. C’est égal, ils doivent faire une drôle de tête, dans la rue, par un temps pareil ! — La pluie augmenta, hachant toute la rue de ses diagonales grises ; des trombes de vent cinglaient les